Non catégorisé

Adel Ben Youssef est maître de conférence à l’université Côte

d’Azur. En marge de son intervention attendue lors de la semaine

économique de la Méditerranée, il nous fait profiter de son éclairage

sur l’impact du numérique au Maghreb. Propos recueillis par J.A.

 

Pourriez-vous nous parler des impacts

économiques et sociaux du numérique

au Maghreb?

 

La transformation digitale des écono-

mies du Maghreb semble enfin atteindre

 

un seuil critique permettant d’accélérer

les gains de productivité et de réaliser les

dividendes numériques tant attendus. En

 

effet, après deux décennies d’investisse-

ments massifs dans les technologies nu-

mériques, les ingrédients de la transfor-

mation digitale semblent pointer le bout

 

de leur nez. Cette dynamique est le fruit

de trois tendances concomitantes : des

évolutions permettant la disponibilité de

technologies efficaces à moindre coût,

une démocratisation des usages grâce à

 

un processus d’apprentissage des popula-

tions locales lent mais généralisé et un in-

térêt politique croissant accordant une

 

place de première importance aux Tech-

nologies de l’information et de la commu-

 

nication (TIC).

Pourriez-vous nous parler des impacts

économiques et sociaux du numérique

au Maghreb?

 

La transformation digitale des écono-

mies du Maghreb semble enfin atteindre

 

un seuil critique permettant d’accélérer

les gains de productivité et de réaliser les

dividendes numériques tant attendus. En

 

effet, après deux décennies d’investisse-

ments massifs dans les technologies nu-

mériques, les ingrédients de la transfor-

mation digitale semblent pointer le bout

 

de leur nez. Cette dynamique est le fruit

de trois tendances concomitantes : des

évolutions permettant la disponibilité de

technologies efficaces à moindre coût,

une démocratisation des usages grâce à

 

un processus d’apprentissage des popula-

tions locales lent mais généralisé et un in-

térêt politique croissant accordant une

 

place de première importance aux Tech-

nologies de l’information et de la commu-

 

nication (TIC).

Ce processus est-il encouragé par les

politiques ?

Dans les pays du Maghreb, les hommes

politiques ont un intérêt particulier pour

ces technologies qui représentent des

opportunités de changements profonds

de la société, notamment en matière

 

économique. Cet intérêt politique se re-

flétera par exemple par une digitalisation

 

croissante de l’administration. A titre

d’exemple, les efforts réalisés au Maroc et

 

en Tunisie en matière des douanes sont

remarquables. L’application Watiqa au

 

Maroc offrant les documents administra-

tifs par un guichet électronique simplifié

 

va dans le bon sens. Ce que l’Algérie a

réussi en matière de transformation du

système d’information dans le domaine

de la santé et de sécurité sociale avec la

carte Chifa est exemplaire. Ces efforts

montrent que la digitalisation complète

de l’administration sera fonctionnelle

d’ici à 2020, délai conforme à la plupart

des stratégies numériques mises en place.

 

Quels effets, le développement du nu-

mérique a-t-il sur le marché du travail ?

 

Le Maroc et la Tunisie se sont claire-

ment positionnés comme des plate-

formes internationales de l’off-shoring

 

dans les métiers numériques. Dans les

deux pays, ces secteurs sont dynamiques

et se consolident. La Tunisie a l’ambition

de créer 50000 emplois dans ce secteur à

l’horizon 2020 et 100 000 emplois liés à

 

la digitalisation (e-gouvernement, e-admi-

nistration, e-learning...). Mais les effets du

 

numérique sur le marché du travail ne se

 

cantonnent pas à la comptabilité des em-

plois dans le secteur de l’off-shoring. Les

 

compétences numériques deviennent de

 

plus en plus des compétences fondamen-

tales dans de nombreux métiers. La trans-

formation digitale s’accompagne d’une

 

demande forte de requalification des sa-

 

lariés. L’enjeu concernera la capacité des pays du Maghreb d’accélérer la formation

 

aux nouveaux métiers numériques et sur-

tout de diffuser largement la culture. Ce

 

dernier point permet de montrer que les

dynamiques d’exclusion risquent de se

cumuler. Les personnes illettrées seront

également exclues du monde numérique

et par conséquent auront de moins en

moins de chance de trouver un emploi.

Le choc technologique sur le marché de

l’emploi est en préparation dans les pays

du Maghreb, et ses effets risquent d’être

importants. C’est un domaine où l’action

politique est souhaitable.

Le numérique est-il un accélérateur du

développement des territoires ?

La question des impacts du numérique

sur les territoires est épineuse. D’un côté,

 

Les TIC permettent de rompre l’isole-

ment de certaines régions par la fourni-

ture de services en ligne (surtout en ma-

tière de santé et d’éducation) et de l’autre

 

côté, on constate que les équipements en

 

TIC et leur qualité deviennent fondamen-

taux dans les décisions d’implantation

 

des acteurs économiques. Les activités

productives continuent de s’agglomérer

dans les centres urbains où l’équipement

 

atteint des niveaux optimaux. Le digital

est aujourd’hui au cœur des stratégies

d’attractivité. Le Maghreb accuse de ce

point de vue un retard. Les stratégies des

acteurs publics sont en question. Les

 

trois pays se sont lancés dans des stra-

tégies de réalisation de technoparks. El

 

Gazala a permis de structurer l’offre de

services TIC en Tunisie et a attiré de

nombreux acteurs internationaux. Il est

considéré comme une véritable réussite.

Le technopark Sidi Abdellah à Alger n’en

a pas encore produit les effets attendus,

contrairement à celui de Casablanca.

Plus de 700 entreprises y sont hébergées

et des success stories comme Rekrute.

 

com (un site d’annonces et d’offres d’em-

ploi pour le Maghreb et l’Afrique, ndlr) sont

 

à mettre à son actif.

 

Que reste-t-il comme marges de pro-

gression ?

 

Au-delà de ces territoires bâtis autour

 

du numérique et l’éclosion d’un éco-

système favorable à l’industrie des TIC,

 

les initiatives de type villes connectées

 

au haut débit offrant un cadre de produc-

tion et de vie autour des TIC sont rares et

 

timides. Les villes intelligentes dans les

 

pays du Maghreb sont encore des concepts

dans des dossiers plutôt que des projets

concrets en cours de réalisation.

 

Quel est le risque majeur lié au numé-

rique pour les pays du Maghreb ?

 

Le risque majeur inhérent aux TIC

concerne les problèmes de sécurité. Le

terrorisme prospère en premier lieu sur

les réseaux sociaux et sur Internet. Les

nouvelles technologies sont de ce point

de vue une arme à double tranchant qu’il

convient de contrôler. Un contrôle total

reviendrait à l’instauration d’une forme

de totalitarisme. Et de l’autre côté, des

législations laxistes pourraient conduire

à des failles dans les systèmes de sécurité

 

qui pourraient être exploitées par les ter-

roristes. Savoir où placer le curseur est

 

un véritable casse-tête pour tous les déci-

deurs dans le monde et particulièrement

 

dans la région du Maghreb. De ce point

de vue, la sécurité informatique de tous

les systèmes étatiques nécessite d’être

prise très au sérieux et renforcée. Les

 

personnes malveillantes pourraient da-

vantage porter leurs attentions sur les

 

données sensibles et sur les contenus

numériques des pays de la région.

 

 

  

Adel Ben Youssef

Maître de Conférences (Hors Classe - Habilité à Diriger les Recherches) 

Qualifié par le CNU aux fonctions de Professeur des Universités en 2015

Université de Nice Sophia-Antipolis

233 Avenue de la Californie 06200 NICE

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Web : www.benyoussef.net

Tel : +33 (0) 6 10 16 14 78